Au-de là de la "contemporanéïté" d'une oeuvre, les historiens tenterons de positionner chaque artiste dans des catégories pour en signifier une filiation : Sol Lewitt comme artiste Minimaliste, Fromanger comme artiste de la Figuration Narrative, etc.
Par après il faut distinguer les artistes dont l'oeuvre est partie intégrante de leur socialisation. En résumant, il y a forcément une différence entre les "artistes du dimanche" - sans être péjoratif - et les artistes dont l'activité principale est de créer, de tenter d'exposer, voire d'en vivre, d'en faire carrière.
Donc par "Art Contemporain" j'entends parler des artistes de la scène artistique, connus ou encore inconnus, qui ont une activité depuis ces 20 dernières années.
L'art est-il intellectuel ? Dans un précédent article je tentais de signifier que l'art c'est "faire apparaître", ou, comme le dit Plotin, c'est fabriquer ou montrer quelque chose à laquelle personne n'avait pensé avant. Avant toute création il y a la mise en équation, la recherche des symboles qui vont être signifiés, autant dans la forme, que dans le fond. Il y a donc une construction intellectuel du symbole signifiant, qui va permettre de "faire apparaître". Cela constituera son "langage", la typographie de son art.
Pour appréhender de telles créations, il convient alors de pouvoir accéder à cette symbolique. En effet, même si nous nous retrouvons avec un artiste qui utilise une iconographie populaire, la transformation des symboles par une mise en scène déroutante peu être complexe pour tout spectateur non averti.
Si nous admettons cela, comment le spectateur peut-il appréhender les oeuvres ? Cela relève d'une double effort : Tout d'abord il faut que l'artiste soit accessible, qu'il consente à rencontrer l'autre, ce "regardeur qui fait le tableau". Mais cela n'est pas tout. Le regardeur doit aussi entamer une démarche de recherche qui va lui permettre d'aller plus loin, de découvrir plus avant la complexité des oeuvres, des artistes et peut-être d'une partie de la vie.
L'art est-il intellectuel ? Oui pour ces artistes qui veulent dépeindre nos sociétés en engageant une réflexion au travers des symboles à appréhender. Est-ce un mal ? Non, à mon sens. Nous sommes tous dans une société de la communication où les médias sont nos machines à penser. L'effort qui est de penser par nous-mêmes a été transformé en peau de chagrin dans l'instantanéïté, où tout doit être compris dans l'instant. La photographie en ce sens semble accessible à tous et jouit d'une popularité particulière, tant au niveau des médias que pour le grand public. Pour autant, chaque oeuvre photographique selon Roland Barthes ( La chambre Claire) ne peut être appréhendée de façon complète par son simple visionnage neutre. Il y a toujours un contexte, une vision dans l'instant du photographe, voire, une mise en scène. Nous retrouvons alors aussi un "faire apparaître" qui pour être complet nécessite l'analyse d'un deuxième, d'un troisième degrés... Et paradoxalement, cela est surtout nécessaire pour le travail photographique de l'information, car cette société de la communication nous rabache que nous devons croire ce que nous voyons. "Vu à la télé", voilà qui convint ! Or ce que nous voyons au travers des images n'est jamais une "réelle réalité". Au travers d'une telle communication, on nous propose de laisser l'analyse aux spécialistes et d'engranger les images comme elles viennent, sans nous en faire, sans faire d'efforts.
Est-ce alors un mal que de demander - parfois - au regardeur un effort, une attention, à lui demander de rechercher une analyse ? Je ne pense pas. L'art sert - AUSSI - la pensée, l'analyse. Elle tire alors sa beauté de et par ces efforts, au-de là d'une esthétique de la ligne, de la couleur, de la forme... Donc oui à l'art intellectuel - autant que pour celui qui ne l'est pas - ! Gageons néanmoins que cela engage tout autant l'artiste qui ne doit, ni ne peut se prévaloir d'intellectualisme en refusant de donner les codes aux regardeurs !!
"L'art ce n'est pas de la communication" disait Deleuze, il n'en est pas moins échange. Si l'artiste doit rencontrer son public, ce même public ne peut et ne doit pas attendre que l'on lui serve un "art prémâché", toujours facile d'accès. Dans le cas contraire, c'est pour les artistes prendre les gens pour des imbéciles - comme peut le faire le communiquant - et c'est, à un extrême, risquer un art de la propagande, un art orwellien, un art Big Brother, où ne n'existe qu'un art "beaux", qui n'a d'effet que sur la réception plastique qu'il offre...
L'art intellectuel, conceptuel existe, et le premier pas de tout un chacun dans ce sens est d'en accepter la légitimité, petit effort de tolérance, qui marque dans l'instant de ces lignes et de cette réflexion un premier effort intellectuel dont nous sommes tous capables...