[ PRODROME ]
A 28 ans, en 2000, je me suis décidé à reprendre des études à l'Ecole Supérieure des Beaux-Arts de Mulhouse. Moi qui voulais devenir illustrateur, j'y ai découvert l'univers de l'art contemporain. Mais, en marge de cette initiation, j'ai pris l'initiative de plonger plus avant dans la philosophie et la sociologie, m'intéressant plus particulièrement à tout ce qui forme nos sociétés : travail, art, culture, sécurité, politique, média... C'est grâce à des auteurs comme Naom Chomsky, Anna Arendt, Guy Debord, Jean-François Lyotard, Michel Foucault et bien d'autres que je me suis forgé l'idée que nous étions globalement en voie d'uniformisation. En parallèle des artistes comme Alain Declerc, Gianni Motti, Joseph Beuys ou Maurizio Cattelan... m'ont convaincu que l'idée d'une création teintée d'utopie politique n'était pas veine...
« L'unidimentionnalité » (Marcuse) est un phénomène qui désigne l'assujétissement de toutes les activités humaines au système marchand et leur soumission à la productivité, au principe de rendement. Sous le contrôle administratif, cela conduit à envisager « la fin de l'utopie », autrement dit, la fin de l'esthétique.
L'art a à voir avec l'utopie, il est l'équivalent politique du rêve. « Il faut prendre au sérieux l'éthymologie de l'utopie : elle est « nulle part » et doit y rester. Elle doit demeurer « en exil » (Paul Ricoeur). De cet exil, l'art en est la forme concrète. Il est le meilleur moyen d'injecter de l'imaginaire dans la réalité, il reconfigure intérieurement celui qui le reçoit et accroît son courage à défier les conventions.
Selon Walter Benjamin dans « L'oeuvre d'art à l'heure de sa reproductibilité mécanique », notre expérience vécue, sensible, concrète, tend à s'appauvrir. Il appelle cela « l'atrophie de l'expérience ».
L'art, c'est faire apparaître, c'est un moyen d'éclairer fugitivement les ténèbres de ce réel auquel l'accès rationnel reste impossible. C'est donc « ici et maintenant » que je produit la plupart du temps, m'inspirant de l'espace et du temps sociologique et politique. Cela me permet de créer un dialogue entre les spectateurs et mes productions, dialogue qui forge le débat d'idées et peut-être, à terme, l'expérience...
A méditer : selon Benjamin et Marcuse, la sublimation que peut apporter l'art peut encore apparaître comme un acte de résistance...
C'est en tant qu'artiste ET citoyen que je me suis décidé très tôt à m'engager sur la voie d'une pratique qui tendrait à mettre en lumière les fondations de nos sociétés. En tant qu'artiste car, travaillant pour ma part au travers de l'image et du texte, et ce dans un monde économique, politique et médiatique, je me devais de poser les questions inhérentes à toute production artistique, à sa fonction, à son impact, voir au rôle de l'art en société. En tant que citoyen, j'ai le sentiment que ces questions sont nécessaires à toute vie en société et doivent être posées...